Il faut sauver nos artistes !

19 septembre 2016

Il faut sauver nos artistes !

 

L’image émouvante de Tolio Anatole, artiste chanteur, couché avec un ventre ballonné et un visage émacié, appelant à l’aide a fait le tour des réseaux sociaux, en juin dernier. Interné au Chu de Yopougon, il souffrait aussi bien dans sa chair que dans sa tête, parce que n’ayant pas les moyens payer ses soins médicaux.

Finalement, il décèdera, quelques jours après, après avoir attendu en vain cette aide qui n’est jamais venue. La triste fin de Tolio Anatole illustre avec un réalisme froid la précarité ambiante, au-delà de leur succès et de leur popularité, dans laquelle vit la quasi-majorité de nos artistes. Ce sont toujours eux qui lancent des SOS quand ils ont malades, qui appellent au secours. Souvent, au prix de mille humiliations.

Même le « grand » Debordo DJ, qui parade dans la ville à bord d’une grosse cylindrée, n’avait pas les moyens de se soigner convenablement, après l’accident malheureux, qui a coûté la vie l’un de ses managers et à deux de ses danseurs. Il a fallu la magnanimité du ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Hamed Bakayoko, pour qu’il quitte l’inconfort du CHU de Yopougon, où lui et ses amis avaient été évacués en urgence, pour se retrouver dans une coquette chambre de la Polyclinique des Deux-Plateaux, où des soins appropriés lui ont été administrés.

De toute évidence, la vie clinquante que nos artistes, surtout ceux qui ont succès, mènent est l’arbre qui cache la forêt. Un écran de fumée, qui masque une existence sans aucune garantie, qui peut basculer du jour au lendemain.

D’aucuns diront qu’ils ont des problèmes pour se soigner, parce qu’ils refusent de souscrire à une assurance ou encore ne préparent pas leurs vieux jours. C’est peut-être vrai, mais la réalité n’est pas aussi simple que ça. D’abord, ils ne roulent pas sur l’or, contrairement à ce qu’on pourrait croire, parce qu’il n’y a pratiquement de plus de marché, pour les artistes chanteurs, et les spectacles, qui courent pas toujours les rues, ne sont pas si chers payés, en tout cas pour la majorité d’entre eux. Avec le droit d’auteur, là aussi les chèques ne sont pas aussi consistants pour beaucoup d’artistes Savez-vous, que certains artistes ne perçoivent même pas plus de 10 000 FCFA par trimestre ? Comment peuvent-ils contracter une assurance avec un revenu aussi faible, surtout s’ils n’ont pas de spectacles régulièrement ? On comprend donc pourquoi, l’assurance proposé par le Burida n’a pas rencontré l’adhésion de la plupart des sociétaires. A ce jour, ça reste un échec cuisant…

Ailleurs, dans les pays développés, les plus grandes fortunes sont en général les artistes et les sportifs, et non les hommes politiques comme on le constate sous nos tropiques. Pourquoi chez nous sont-ils ceux qui tendent toujours la main, alors qu’ils pourraient mieux vivre de leur travail.

A la vérité, ce dont nos artistes ont besoin, c’est que l’Etat crée les conditions réelles pour qu’ils puissent vivre de leur art. Cela passe par la renaissance d’un marché, en prenant en compte le contexte actuel, marqué par l’avènement du numérique. Cela passe notamment par la reconstruction du réseau de distribution des œuvres, l’installation d’une usine de pressage, une aide conséquente à la production pour les producteurs, pas calquée sur le modèle actuel où l’appui est dirigé directement vers les artistes, alors que c’est plutôt le producteur qu’il faut mettre à flot. Chanter est un métier, produire une œuvre musicale en est un autre. Il y a aussi la mise en place d’une plate-forme de téléchargements légaux de la musique. Il en existe déjà une, mais, qui visiblement, ne tourne pas comme il se doit.

Bien entendu, il faudra aussi opposer avec sérieux aux pirates, la rigueur de la loi relative au droit d’auteur et droits voisins, qui vient d’être adoptée en commission par les députés en attendant son adoption en plénière, pour que les œuvres piratées ne soient plus écoulées, en toute impunité.

A l’analyse, c’est un vrai plan Marshall, qu’il faut pour sauver nos artistes. C’est à ce prix qu’on pourra éviter à nos artistes d’être des éternels assistés, donc de faire la manche à chaque fois qu’ils ont un souci financier. Toute chose qui ne les honore pas, et ne fait pas non honneur à notre Côte d’Ivoire.

 

Yacouba

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