Hôpitaux publics d’Abidjan, le grand n’importe quoi !

19 septembre 2016

Hôpitaux publics d’Abidjan, le grand n’importe quoi !

 

Dans la nuit du samedi 4 au dimanche 5 juin 2016, un jeune homme d’une trentaine d’années, employé dans une entreprise de la place, qui répond au nom de Harouna Demi est sauvagement agressé à Abobo, autour de 3heures du matin, sur le tronçon situé entre l’ancien cinéma Etoile, pour ceux qui connaissent bien Abobo, devenu aujourd’hui un supermarché, et l’escadron de gendarmerie de Gagnoa-gare, un quartier de cette commune.

Tailladé à la machette, l’infortuné est touché à la tête, au cou et à la main gauche. Et il saigne abondamment. Conduit immédiatement à l’hôpital général d’Abobo, par une bonne volonté qui l’a découvert en sang sur la chaussée, l’agressé va y vivre un véritable calvaire. Dès qu’ils (lui et son bienfaiteur) arrivent sur les lieux, alors qu’il est en train de se vider de son sang, la première question que le personnel soignant qui est de garde cette nuit-là lui pose est choquante : « Vous avez de l’argent ? ». «Je n’ai que 7000», répond le bienfaiteur, Harouna ayant été lui dépouillé de tous ses biens : porte-monnaie, téléphone portable…

La suite de l’histoire est davantage écœurante. Les employés de cet hôpital se détournent du malade, certains se mettant à manipuler leurs téléphones portables, quand d’autres s’occupent autrement. Entre-temps, le blessé continue de saigner, le tee-shirt et le jeans qu’il portait sont rouges vifs de sang. L’agressé fait appeler, par son sauveur, l’un de ses grands frères, pour l’informer de son état et le supplie de venir le sauver sinon il va mourir. Au bout du fil, l’homme, qui habite aussi cette cité, est tiré de sommeil, décide aussitôt de rallier l’hôpital général d’Abobo. Pendant ce temps, Harouna continue de saigner au nez et la barbe de ses agents de la santé, qui se fichent complètement qu’il crève ou pas. Tant qu’il n’y a pas d’argent pour payer les soins, ils ne lèveront pas le petit doigt…

Cette même nuit-là, un jeune homme arrive lui aussi en détresse dans cet hôpital, il a reçu des coups de couteau à la cuisse, victime d’une agression. Comme Harouna, il a été également dépouillé. Le personnel soignant lui dit clairement d’aller chercher de l’argent à la maison et de revenir pour qu’on le soigne. Se plaignant de douleurs, on lui administre quelques comprimés de paracétamol. Sans plus.

Plus récemment, sur les réseaux sociaux, des témoins ont dénoncé le laxisme qui règne aux urgences du Chu de Yopougon. Lorsque des accidentés y sont évacués, ils doivent prier Jésus-Christ, s’ils ont chrétiens, ou Allah s’ils sont musulmans, pour ne pas qu’ils passent de vie à trépas, avant que les premiers soins n’arrivent. Tellement, le personnel traine les pas. Là aussi, on s’occupe plus vite de ceux qui ont de l’argent, que de ceux qui n’en ont pas.

Ces exemples illustrent à quel point, la notion d’urgence sanitaire a « foutu », permettez-moi l’expression, le camp aujourd’hui dans nos hôpitaux publics d’Abidjan. Tout ce qui intéresse ces praticiens de la santé, c’est l’argent, l’argent et encore l’argent. Le serment d’Hippocrate ? On s’en fout ? La vie humaine, on s’en moque. Leur leitmotiv : sans argent, pas de soins, même si vous êtes dans l’urgence. Incroyable mais vrai, sous Alassane Ouattara, nos hôpitaux publics sont redevenus des mouroirs. Comme c’était le cas, il y a quelques années sous Laurent Gbagbo. La cupidité a pris le pas sur l’humanisme, la conscience professionnelle. Et cela me désole profondément. Je suis certain qu’avec de tels agissements, l’émergence qu’on nous promet en …2020 n’est pas pour demain.

Dans les pays émergents, dignes de ce nom, quand vous arrivez en situation d’urgence ou de détresse absolue dans un hôpital public, on vous soigne d’abord, avant de vous demander ce que vous avez dans votre poche. Ici, c’est le contraire. C’est le lieu d’interpeller Mme la ministre de la Santé et de la Lutte contre le sida, Mme Raymonde Goudou-Coffie sur ces comportements anti-émergents qui n’honorent pas la Côte d’Ivoire. Mme la ministre, vous avez baissé la garde, et les mauvaises pratiques ont resurgi dans nos hôpitaux publics. Savez-vous combien de pauvres gens, sans défense et sans moyen de se plaindre, sont chaque jour victimes de la bêtise, le mot n’est peut-être assez pas fort, je dirai même de l’imbécilité, de certains personnels soignants de nos hôpitaux publics ?

Plus vite vous agirez, plus vite vous limiterez les drames. Maintenant, à ces hommes et femmes qui travaillent dans nos hôpitaux publics, sachez que ce n’est pas en portant une blouse et en tenant des séringues ou le bistouri, que vous allez du jour au lendemain brasser une fortune. Il y a des métiers qui sont des sacerdoces, comme par exemple la police, l’enseignement, le journalisme et surtout le domaine de la médecine, on n’y vient pas pour être riches, mais plutôt pour servir les autres. Quand on n’a pas compris cela, c’est qu’on n’a raté sa vocation. Et c’est dommage…

Yacouba

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